Tout ce qui touche à la charia fait polémique, sauf peut-être la
finance islamique qui pourrait bien aider à remplir les caisses
françaises.
1 000 milliards de dollars en 2010, c’est l’encours prévu par les
économistes pour la finance islamique. Un chiffre en constante
progression depuis de nombreuses années. De 2003 à 2007, il a
enregistré une hausse de 15 %. Des résultats qui peuvent surprendre
dans un contexte mondial où la finance est tellement décriée depuis
la crise des subprimes. Si ce n’est que la finance islamique se base
sur des règles éthiques et religieuses : interdiction des intérêts,
de l’incertitude et de la spéculation, partage des profits. Ce qui
fait dire à certain que ce concept inhérent au Coran est une des
solutions pour moraliser la finance conventionnelle. Mais derrière ce
vœu pieux, il y a surtout une volonté d’attirer les pétrodollars,
et parmi ces nouveaux partisans de la charia, la France n’est pas en
reste.
Le porte-drapeau de cette nouvelle cause n'est ni plus ni moins notre
ministre de l’Économie, Christine Lagarde, qui lors d’un colloque
en 2009 a annoncé que « les banques qui souhaiteraient réaliser des
opérations conformes aux dispositions de la charia, le territoire
français est évidemment prêt à les accueillir… Considérez le
territoire français comme une terre d'accueil ».Terre d’accueil,
qui pour l’instant est plutôt la City de Londres, et ce depuis une
dizaine d’années. La France déroule donc le tapis rouge pour
rattraper son retard. Il faut dire que l’enjeu est de taille : 120
milliards d’euros à l’horizon 2020. Une véritable bouffée
d’oxygène pour l’état des finances publiques. Aujourd’hui,
seuls les investisseurs institutionnels profitent de ce nouveau
concept, dans l’Hexagone, par l’intermédiaire de fonds
d’investissement « islamo-compatibles ». Les particuliers devront
patienter encore un peu. En attendant, certains s’impatientent, et
pas seulement les personnes de confession musulmane.
Comme Charles Garreau, 54 ans, entrepreneur qui voit d’un bon œil
l’arrivée de la finance islamique, « Contrairement à ce que l’on
croit, dit-il, ce n’est pas une finance éthique. Le principe
fondateur de la finance islamique, c’est le partage des risques. En
clair, un investisseur qui investit dans une boîte, prend autant de
risque que le porteur de projet, contrairement au système classique.
»
Un concept beaucoup plus sain que la finance conventionnelle, selon
lui :
« Vous contractez un prêt auprès de votre banquier afin de
financer votre activité commerciale. Si votre boîte par la suite fait
faillite, vous serez toujours redevable. Or, en théorie, votre banque
est un partenaire pour le pire et le meilleur… surtout pour le
meilleur en l’occurrence ».
Cet aspect participatif intéresse aussi les primo-accédants, «
J’ai vécu de nombreuses années à Dubaï, raconte Xavier Ducros, 38
ans, trader.. J’ai travaillé sur la finance islamique, où,
l’accession à la propriété est le fruit d’un partenariat entre
la banque et le client. La banque achète le bien, le revend au client,
avec une plus-value. On détermine une durée de remboursement sur
plusieurs années. Le client détiendra la pleine propriété
uniquement lorsque la somme totale sera remboursée. Pendant ce temps,
le bien sera en copropriété. » Un mécanisme qu’il souhaite
utiliser pour l’acquisition de sa résidence principale : « Si
aujourd’hui j'achète un appartement, je devrais passer par la
finance classique. Ce qui, pour ma part, représente trop de risque.
Car, la banque me prête sans tenir compte de la suite des
événements. Or, dans la finance islamique, en tant que
copropriétaires, nous sommes solidaires. Un peu comme dans un mariage
ou un pacs ».
De toute évidence, l’argent halal a le vent poupe. Deux universités
en France, Strasbourg et Dauphine, enseignent les us et coutumes de
cette finance si particulière. Hervé de Charrette, ancien ministre
des Affaires étrangères, court les médias afin de promouvoir ce
concept, et les banques françaises pressent le gouvernement d’agir
au plus vite pour mettre en conformité la législation française et
la charia… Une fois n’est pas coutume un sujet issu de l’islam
semble recueillir l’unanimité.
Chaker Nouri
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